L'affaire récente impliquant l'Arche de Zoé dans un trafic d'enfants a remis au goût du jour les photos des petits africains dont le visage inquiet est recouvert de mouches. Vous avez, j'imagine, en tête, quelques images chocs..Le courrier international de cette semaine a d'ailleurs choisi pour couverture la photo d'une pauvre petite fille décharnée couverte de mouches, forcément, et aux yeux si profonds que d'aucun peut l'observer sans se sentir investi de la volonté d'aider. C'est, à ce titre, quand on observe les photos de type voyeuriste, du site de l'Arche de Zoé, ce qu'ont voulu faire les illuminés aux bons sentiments en mission de mercenaire au Tchad... Je souhaite réagir à cette utilisation de l'image qui me semble fort déplacée.

On cherche par ce biais à amadouer les spectateurs et non pas à les faire réfléchir. En attirant la pitié des gens, nous assistons à une multiplication des entreprises humanitaires chargées de bon sens, de compassion, d'amour du prochain (ce qui en soit n'est pas condamnable), qui échouent lorsqu'elles sont confrontées à la réalité de terrain, dont elles ignorent les enjeux politiques, économiques, militaires etc. Confondre un enfant du Darfour avec un enfant du Tchad est déjà le signe d'une certaine forme de condescendance : les noirs se ressemblent, c'est bien connu...Vouloir apporter des ordinateurs à des villages qui ne disposent pas de l'électricité est la preuve qu'on veut bien faire mais qu'on fait mal car on ignore la réalité locale...Mettre des pansements à ces gamins pour faire croire qu'ils sont malades, c'est mépriser les parents au sens large et rester persuadés de la supériorité de notre modèle familial qu'il faut à tout prix inculquer aux pauvres, à ces gens là.

Il est assez naturel, du moins culturellement chrétien, de vouloir aider son prochain, mais la réalité du Tchad et du Soudan, aujourd'hui, c'est la guerre, les morts, les déplacés, les haines ancestrales que l'Arche de Zoé ne saura ne pourra et ne devra tenter de résoudre. C'est une affaire de "grandes personnes", de présidents africains, d'ONU, d'ONG compétentes et efficaces. Vouloir jouer dans la cour des grands et enlever les mouches de ces frimousses angéliques ne doit pas être un jeu. Cela doit être rapidement pris au sérieux par des autorités et des acteurs compétents. J'entends ici et là dire ... oui mais ils ne font rien, il faut transgresser les règles... Non. Ces conflits sont tellement plus compliqués que la volonté de mercenaire d'un groupe de français bien pensants.