Il y a quelques heures, dans une ville française à l’Est de l’Hexagone, je croisai, à la gare, un individu qui pestait contre les travaux engendrés par le projet de rénovation de la gare. Projet de rénovation, ô combien pratique, censé améliorer d’ici à 2008, la circulation des voitures, des bus et des taxis, et par effet boule de neige, diminuer le taux de l’hormone CDC ou l’hormone « crispation des conducteurs » aux abords de cette même gare. En bref, une initiative appréciable, prise dans un souci d’intérêt général, permettant à la fluidité routière et à l’emploi BTP de se développer.

Et voilà que Mr. X, certainement contaminé par cette hormone CDC, se plaint des désagréments que cela engendre. Certes, il faut contourner le chantier. Certes, la poussière salit. Certes, les places de parkings se font rares. Oui, Oui, Oui… aux râleurs des gares en rénovation. Vous avez raison !

Ce non-évènement se rajoute à la série de dizaines, de centaines, de milliers de critiques, non-constructives, émises par un nombre inconnu, mais considérable, de français. Qu’est ce qu’un français ? Un individu à priori pas mal loti, doté d’un caractère aigri, souvent réactionnaire (au sens de en réaction à), râleur et opposé à tout changement, quel qu’il soit ! Replongez-vous un instant dans vos archives cérébrales…Quand, pour la dernière fois, avez-vous pesté contre : le con…d’enc…de mer… de devant qui démarre pas assez rapidement aux feux – ça ne fera pas avancer les choses de klaxonner, contre la caissière du supermarché qui va pas assez vite, à sa place j’aurais déjà fini depuis des plombes con…sse – son travail est chronométré et si elle ne fait pas passer suffisamment d’articles à la minute, elle est virée, contre le touriste qui marche doucement et gêne votre pas frénétique – en vacances on vous emmerde parce que vous prenez tout en photo et levez le pas devant le chat sur la fontaine quand la feuille est tombée sur l'eau ? contre la réforme des retraites - sans réfléchir à la nécessité d’engager une vraie politique de réforme oui mais Sarko il a dit que et Fillion il a fait ça et Ségo elle pense que..gna gna gna, contre les 35 heures quand vous partez en courant en RTT en crachant sur la gauche, contre votre collègue de boulot qui parle trop, contre cette merde d’administration, contre la lenteur de la Caf, de la Sécu, etc. etc. etc…

Allez ! Pas de fausse modestie !! Vous êtes des leurs, que dis-je des nôtres ! Que faire ? Une seule solution… La manifestation !! Oups j’ai mon côté française frustrée, rebelle irréfléchie qui reprend le dessus. C’est grave docteur ? C’est une maladie sociale qu’améliorerait peut être une bonne psychothérapie collective ou une thérapie choc, comme le propose Nicolas Baverez dans La France qui tombe (dont je ne partage pas toutes les idées mais qui a l’originalité d’agiter les discours bien pensants de gauche)! Bon d’accord ce n’est pas la solution - le travail sur les masses n’a jamais été un grand succès.

Je lisais dans l’excellent bouquin de Robert Castel L’insécurité sociale que plus il y a de sécurité dans une société plus elle se sent, paradoxalement, en insécurité (résumé fort schématique). De la même façon, j’imagine que plus la vie s’améliore en moyenne et dans son ensemble, moins elle semble douce. Il ne faut ni ignorer ni mépriser les soucis liés au chômage des jeunes, l’existence du quart monde en France, l’endettement des ménages, le stress urbain...mais cela justifie t’il la mauvaise foi ambiante de bon nombre de râleurs ? L’agressivité des citadins ? Le rejet de toute initiative ? Les manifestations collectives contre le politique ?

J’aimerais comprendre. Et je ne comprends pas. Cette attitude est propre à notre pays. N’en tirons aucune fierté et agissons pour que le flegme britannique n’ait pour équivalent, en France, la rogne gauloise.